Les Templiers : vaincre les difficultés pour Athina

C'est avec huit coureurs de l'US Marquette que j'ai mené et préparé les Templiers. Trail mythique bien sûr que cette course de Nant, avec une aura décuplée par les témoignages de certains coureurs qui avaient déjà tenté l'aventure l'an passé. La musique, le départ, les points techniques : il faut dire que j'étais bien " briefée " et choyée en tant que seule femme du groupe! De plus, je courais pour la première fois pour Athina, cette petite fille, nièce d'un des membres de notre équipe, qui est atteinte d'une maladie orpheline, l'ichtyose, caractérisée par une dégénérescence de la peau. Courir pour elle et pour l'équipe donnait donc plus de sens à ma course.

La préparation débuta, il y a deux mois, avec une petite escapade au Mont Blanc pour suivre l'UTMB qui avait déjà auguré les premières douleurs aux quadriceps. Il faut dire que le plat pays du Nord offre peu de terrains propices… Les huit semaines auront sans doute été trop courtes mais auront permis de courir quelques trails typiques comme ceux des terrils ou plus long, le trail des Hautes Fagnes en Belgique. Je n'étais pas vraiment assurée de ma préparation (le kilométrage s'élevait à 80km par semaine avec une sortie plus technique) mais au moins, j'arrivais assez " fraîche " sur la course..

La pression est évidemment montée lors de nos promenades dans le village et sous les tentes des exposants. Le fait également d'être logés avec la presse, l'organisation et surtout une vedette : Karine Herry - double vainqueur de l'UTMB et de la Diagonale des Fous il y a à peine huit jours - ne pouvaient laisser insensibles. En ce qui me concerne, c'est surtout la Templière, course des femmes à laquelle j'aurais pu participer, qui m'a définitivement emmenée vers les premiers frissons. Nuit correcte mais avec un éveil toutes les demi-heures à partir de minuit, suite aux différentes sonneries du clocher… Réveil 4h, petit déjeuner rapide et préparation. Le stress est palpable.

L'arrivée sur la place du village est magique, chacun avec sa frontale, accompagné d'un nombre impressionnant de supporters à 5h15 du matin. Derniers réglages et départ : la musique, les feux de Bengale, toute cette foule enthousiaste ne peuvent que donner la chair de poule. Les milliers de lucioles sur la première montée continuent de nous embarquer dans un univers fantasmagorique. Progressivement, la foule s'amasse (prudente, je suis partie dans les derniers), les bouchons se forment mais la bonne ambiance règne. Le rapide arrêt à Sauclières montre la renommée de la course qui rassemble à 7h du matin de nombreux spectateurs. Le passage du deuxième tunnel, encouragé dynamiquement par une poignée de supporters, me met du baume au cœur et je prends le temps d'admirer les paysages aux couleurs de l'aurore. Très vite, le lever du soleil au col de la Barrière nous annonce la longue montée vers le Saint-Guiral et déjà plus personne ne parle ! Les commentaires bon enfant du début ont cédé la place à la concentration et déjà peut-être à la souffrance… Pour ma part, c'est mon premier moment de doute : vais-je franchir les barrières horaires jusqu'au bout ?

Au sommet du Saint-Guiral, de nombreux coureurs prennent sagement le temps de s'étirer. Je continue ma course dans l'espoir de rejoindre l'un des membres de mon équipe, notamment Olivier ou Séb, partis avec moi au départ. L'arrivée à Dourbies me semble interminable. Nous sommes toujours prêts du but, sans jamais y parvenir. Vient enfin le moment de l'arrêt dans cette salle aux airs de salle de fête et là, je tombe sur mes coéquipiers qui s'alimentent et me proposent de poursuivre avec eux. " Pourquoi pas… " malgré une vitesse de course différente. A vrai dire, nous marchons plus que nous ne courons sur cette crête du Suquet. Le soleil tape et la chaleur est quelque peu adoucie par le vent des sommets. Là encore, les paysages sont splendides à peine rougis par cet automne tardif et le terrain assez facile. Je perds assez vite mes compagnons mais sais que je les retrouverai plus tard. J'ai la motivation d'arriver jusqu'à Trèves où nous attend Dominique, supportrice active qui continue son parcours après la Templière. Très belle arrivée sur le pont de Trèves où la foule scande mon prénom : le moral est au beau fixe mais je sais qu'il me faut encore garder de l'énergie pour les 22km qui restent.

Au ravitaillement en plein air de Trèves, je rejoins alors Séb. Dire que Thierry et Fabien sont sans doute déjà arrivés ! Nous continuons notre marche ensemble. Les montées incessantes commencent à nous démotiver. Nous en sommes aux deux tiers du parcours et risquons de finir en 12h. Très vite, les émotions se transforment et les pensées négatives pullulent… Nous nous arrêtons quelques instants mais reprenons de plus belle, voire trop vite puisque je chemine seule désormais. Que faire ? Attendre ? Revenir sur mes pas ? Continuer ma course à mon allure avec l'espoir qu'il me retrouve ensuite ? J'attends deux minutes puis décide de continuer. Mon esprit hésite entre la culpabilité et l'enthousiasme qui émane de toute émulation. Le passage sur le plateau de la Roquarie me donne des ailes et je cours d'un bon pas alors que de nombreux participants continuent de marcher. Sans doute aurais-je dû retenir quelques forces car les descentes sur Cantobres et Saint-Sulpice sont pour moi un vrai calvaire. Le terrain technique et la pression des autres coureurs dans mon dos m'angoissent. J'ai l'impression de ne pas avancer et ne cesse de me répéter que j'en ai vraiment assez. Ces pensées négatives ne me quitteront pas avant l'arrivée sur le pont de Nant et ces deux dernières heures sont mentalement terribles. J'aurais dû lire plus attentivement les conseils d'avant course à propos du Roc Nantais qui annoncent la beauté des paysages mais surtout la vraie " galère " de certains sur cette descente technique et piégeuse. J'en fais partie ! J'ai beau savoir que la fin du parcours est très difficile, les descentes avec les cordes me placent définitivement dans un état critique. Les montées glissantes du Roc Nantais et les pierres roulantes me sabrent le moral plus encore que les jambes.

Je reste alors concentrée sur l'arrivée, sur mon équipe qui m'attend et surtout sur Athina. Je sais que je vais revêtir ce maillot orange pour l'association AAIM (www.aaimonaco.org) et qu'il m'aidera pour les derniers kilomètres. Ces pensées positives chassent vite les douleurs et je descends avec entrain le Roc Nantais avec l'espoir de retrouver tous mes coéquipiers sur le pont. Matthieu m'y attend et les six autres coureurs nous rejoignent pour la boucle finale dans le parc. J'ai droit à une superbe arrivée, accompagnée de mes chevaliers servants, tous revêtus du maillot orange d'Athina. La musique et mon prénom retentissent quand je passe sous l'arche fleurie. Les émotions se mélangent : heureuse d'être arrivée bien sûr après 11h30 de course, mais déçue de la fin du parcours que je n'ai pas su admirer, déçue aussi d'avoir laissé Séb, contraint d'arrêter suite à des problèmes gastriques. Que cela ne tienne, nous prendrons notre revanche l'an prochain, afin certes d'améliorer un peu notre chrono, mais surtout de partager la ferveur du début jusqu'à la fin du parcours et ce, toujours pour Athina !

AMITIES ET A BIENTOT ...
Cécile Dame